C’était un joli village, caché dans la montagne. Ses quelques maisons semblaient oubliées là, imperturbables. Il y avait du feu dans la cheminée, des livres dans les malles, des têtes de sangliers et de cerfs empaillés, fixées au mur du salon. Le figadellu et le prisutu séchaient au grenier.

Le froid sec coloriait nos joues et notre nez, nous nous couchions dans de grands lits glacés vêtus comme des esquimaux.

      Les hommes de la famille se levaient avant l’aube et s’en allaient battre le maquis, fusil sur l’épaule, sifflotant et riant d’une quelconque boutade.

      J’émergeais de ma nuit bien plus tard, alors que le soleil éclairait la Castagniccia, depuis quelques heures déjà. Des oiseaux morts gisaient sur la table de la cuisine, m’ôtant  l’envie d’un éventuel petit déjeuner.  Je grimaçais donc à la barbe de mes fiers chasseurs qui se moquaient de ma sensiblerie et, comme pour justifier leur acte, nous préparaient un repas de maître, un festin, joyeusement improvisé. On se réunissait alors autour de la longue table, et je me régalais de leurs histoires et du gibier, le tout servi avec l’humour que jamais je n’ai rencontré ailleurs.

      J’aimais cet endroit, j’aimais cette maison et j’aimais ces gens. Je passais en leur absence, de longues heures, étendue sur le divan, accrochée aux pages d’un vieux roman, avec pour seule compagnie, le crépitement du feu de cheminée. Ma journée se poursuivait en longues balades, un bâton à la main, enivrée de paysages grandioses, de regards perdus sur les divers coteaux couverts de châtaigniers, à perte de vue.

      Le temps prenait son temps, s’écoulant silencieusement comme l’eau des sources, dans la paix d’une Corse assoupie.

Catégories : Un brin de poésie

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